Le texte que vous trouverez ci-dessous est librement inspiré de « What personality does my rabbit have? » (Bunnyhugga).
Il s’agit d’une série de portraits humoristiques (jouant sur l’anthropomorphisme), basés sur des comportements que nous avons tous eu l’occasion d’observer chez nos lapins.
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La reine de la garenne
Madame la reine de la garenne domine son royaume et ses sujets… parce qu’elle le vaut bien. Un sens inné de l’autorité coule dans ses veines. Diriger et contrôler, c’est son job.
Rien de ce qui se passe sur son territoire ne lui échappe, depuis le poste d’observation de ses appartements royaux, même si elle semble passer son temps à sommeiller: le moindre jeté de pattes arrière opéré par l’un de ses sujets, le moindre jouet déplacé, la moindre patte posée dans ses appartements, le moindre brin de verdure qu’un sujet aurait eu l’audace de tenter de lui soustraire, le moindre différent entre vassaux, …
S’inspirant fortement des rois fainéants, la reine de la garenne passe une bonne partie de la journée à se prélasser en surveillant de loin son royaume. Lorsqu’elle sort de sa torpeur, c’est bien entendu pour des festins de roi, mais aussi pour vérifier les fortifications et l’organisation des quartiers de sa garenne… et surtout bien marquer la frontière entre ses appartements princiers et le reste du monde.
De même s’agissant de ses humains de compagnie, qui ne peuvent déplacer un meuble de la maison sans son accord (un petit coup de marquage avec le menton vaut bien un sceau royal), et surtout pas venir changer la décoration ni l’aménagement intérieur de ses appartements (« comment ça, tu as mis mon bac à litière dans ce coin? Je le vide à grands coups de pattes et j’entasse la litière dans le coin que J’AI choisi!« ).
Madame la reine de la garenne feint ostensiblement d’ignorer le mot « non! » et n’est pas du genre à s’encombrer des règles de vie risibles et mesquines que tenterait de lui inculquer un pauvre manant du genre homo sapiens.
Malheur à qui oserait laisser ses moustaches ou sa main traîner sous son menton: c’est un crime de lèse majesté! Elle garde un vague souvenir de la seule et unique fois où son humain de compagnie, dans un accès de témérité, a essayé de l’allonger sur le dos… Grossière erreur que celui-ci n’est pas prêt d’oublier! (« depuis, tout le monde l’appelle le balafré« )
Madame la reine ne s’abaissera que très rarement à se battre (« c’est le boulot du roi! »): sa seule présence assure la paix entre ses vassaux et un simple grognement tiendra tous ses sujets en respect (« sauf les humains de compagnie qui ne comprennent décidément jamais rien »). Mais si ses appartements privés et sa couche royale sont en danger, elle deviendra féroce comme une lionne.
Cependant, les grands souverains savent aussi faire preuve de magnanimité: toute reine qui se respecte mettra un point d’honneur à entretenir de bonnes relations avec ses humains-garde-manger-qui-font-le-ménage. Après tout, on a toujours besoin d’intendants efficaces et dévoués pour l’organisation de son royaume.
Mais si Madame la reine de la garenne se laisse parfois papouiller avec plaisir par ses humains, ce sera de préférence loin du regard de ses sujets lapins (« Nanméoh! Faudrait pas de perdre la face non plus! »).
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Le roi de la garenne
Monsieur le roi de la garenne est un lapin pressé, débordé… je dirais même plus overbooké. Il se voit empereur, alors qu’il est plutôt le premier ministre de sa reine.
Comme tout grand souverain guerrier qui se respecte, il a une vision très extensive de son territoire. Quand la reine se contente de son palais et de ses jardins, le roi a besoin de dominer toute la terre ferme de la maison: aucune porte fermée ne saurait lui résister. Marquer et inspecter chaque jour son immense royaume, voilà une tâche harassante. Il a toujours eu une vocation pour la police aux frontières: à lui de décider quels sont les lapins qui peuvent rejoindre sa garenne et ceux qui doivent être refoulés loin de son royaume.
Quand il n’est pas occupé à dormir auprès de sa reine, à la toiletter ou à lui réclamer des câlins, une très lourde tâche lui incombe: gérer son harem de lapines et les protéger de tout intriguant qui aurait l’audace de leur compter fleurette.
Le roi de la garenne passe donc une bonne partie de la journée à aller d’un lapin à l’autre pour lui rappeler la hiérarchie de son royaume… et d’une lapine à l’autre pour faire le joli cœur. La moins agréable de ses tâches demeure sans doute la gestion de conflit entre lapines.
Monsieur le roi exige avant tout le respect. De bonnes relations avec les intendants bipèdes du royaume implique de la déférence et une distance respectueuse de leur part. Pas question de leur adresser des léchouilles ou des câlins: quel abaissement! Pas plus que sa reine, il ne connaît pas le mot « non! », et les autres sottises du même acabit inventées par ses humains de compagnie.
Son point faible: Monsieur le roi redoute plus que tout le ridicule…
- « L’humain de compagnie me prend dans ses bras comme une vulgaire peluche devant mes sujets? … Il veut vraiment que je donne un look grunge à son nouveau pull!«
- « Je me suis vautré en essayant de sauter sur mon royal canapé? Pas grave, je m’éloigne la tête haute en faisant de petits bonds! (sous les rires de mes humains de compagnie…)«
- « J’ai le hoquet parce que j’ai bu trop vite dans ma royale écuelle d’eau? Euh… je crois que le devoir m’appelle en d’autres lieux. »
- « Une mouche a eu l’outrecuidance de se poser sur mes poils soyeux? J’en ai pour dix minutes à faire des jetés de pattes arrière exaspérés. »
Alors, évidemment, la bête noire du roi des lapins, c’est le vétérinaire qui, comble de l’irrespect et du ridicule, l’oblige à rester les quatre fers en l’air pendant l’auscultation….
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Le lapin cent mille volts
Monsieur cent mille volts déborde d’énergie: on pourrait croire qu’il a avalé des piles Duracell. Il est toujours sur le qui-vive, actif, dynamique, courant, bondissant, … et souvent épuisant pour le pauvre bipède qui essaie de le suivre.
La journée de ce concentré d’énergie commence aux aurores et en fanfare en rongeant et grattouillant ce qui lui tombe sous la dent: grille de cage ou d’enclos, panier, cartons, tunnels… Il ne faudrait pas que son humain de compagnie, qui est encore en train de se prélasser au fond de son lit (« alors qu’il est déjà 6 heures du matin!!! »), oublie de venir lui ouvrir la porte pour lui permettre de faire son petit footing matinal en liberté dans la maison.
Ce lapin à réaction ne manque jamais d’occupations: courant de l’escalade d’un fauteuil au grattouillage d’un tapis, piquant des sprints dans les couloirs, volant du canapé à la table basse, après un passage éclair sous la bibliothèque, partant en courant avec le linge qui traîne comme un trophée dans la gueule… il donne la migraine à son humain de compagnie avachi dans le canapé. Plus rapide que l’éclair, il profite de trois secondes d’absence de son bipède geek pour sectionner le fil du chargeur du téléphone, de la console ou de la box.
Adepte des teufs avec les potes lapins qui se prolongent jusqu’au bout de la nuit (avec concerts de cartons déchirés et de jetés de gamelles au programme), il n’apprécie guère qu’elles soient interrompues par la mine défaite et les cris exaspérés de son humain de compagnie (« Pfff! Il ne comprend vraiment rien à la vie »): tout cela se termine généralement sur un rythme endiablé de tapage de la patte arrière… que les voisins du dessous apprécient sans doute beaucoup.
Inutile d’essayer de l’amadouer ou de le rendre calme et silencieux quelques instants avec une gamelle de verdure ou un peu de granulés. Monsieur Cent mille volts survole ses repas et se contente de picorer entre deux affaires pressantes… ça lui permet d’ailleurs d’entretenir sa ligne d’athlète.
Il recharge quand même de temps en temps ses batteries en se mettant brièvement en mode veille, mais c’est toujours dans la journée, quand son humain lambin est parti loin de la garenne (« Mais que peut bien faire un humain de compagnie loin de son lit ou de son canapé??? »).
Fasse à la mollesse généralisée de ses bipèdes en fin de soirée, il leur organise avec bienveillance une petite séance de sport revigorante, avec accélérations, plongeons sous le canapé et virages serrés autour de la table de la salle à manger, ordinairement connue sous le nom de « attrape-moi si tu peux » (et si tu veux que je rentre dans mon enclos ou ma cage).
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Le rêveur insouciant
Rien ne semble pouvoir troubler le rêveur insouciant: quand bien même la maison s’écroulerait jusqu’aux fondations, il continuerait à mener son petit bonhomme de chemin, tranquillement. Il est le roi du train-train quotidien.
Tant que sa gamelle est pleine, qu’il dispose un coin tranquille pour somnoler et qu’il bénéficie des toilettages d’un congénère ou de caresses de la part du gentil-organisateur-bipède-qui-apporte-les-repas, tout va pour le mieux dans le meilleure des mondes possibles.
Ce Monsieur Hulot du monde des lapins évolue au sein de la garenne en étant un peu à côté de ses pattounes. Toujours confiant, calme, câlin, et bienheureux, il semble traverser l’existence dans une bulle remplie de siestes, de gamelles de verdure, de flops et de toilettages.
Dormant du sommeil du juste, très profondément, il n’entend pas le bruit de l’aspirateur que son humain de compagnie est en train passer à cinq centimètres de lui, sur le tapis sur lequel il se repose. Quand il s’agit de dormir, toutes les positions et tous les endroits sont bons: même avec une patte dans le vide, même avec la tête dans le vide, et même… et même, par inadvertance, dans les bras de son humain de compagnie (de quoi faire frémir tout autre lapin!).
Non, non, ce n’est pas l’idiot du village, ni un simplet. Juste un lapin un peu rêveur, très gourmand et gros dormeur.
Facile à vivre, il cohabite sans problème avec n’importe quel lapin, sauf si celui-ci est un peu trop grosse bouffe et gobe plus vite que lui la gamelle de légumes ou prend toute la place sur son tapis préféré.
Étranger aux conflits et enjeux de pouvoir des rois et reines des lapins, il oublie souvent de respecter les pratiques hiérarchiques du groupe (« mais pourquoi la reine aplatit la tête au sol comme ça, juste devant moi??? »), mais aucun lapin ne lui en tient rigueur. Il est en quelque sorte en dehors de toute hiérarchie. C’est d’ailleurs pour cela qu’il s’entend souvent très bien avec le roi et la reine de la garenne.
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Le gros nounours
Le gros nounours est un lapin confiant et décontracté qui a pris le parti de profiter au mieux de la présence et de l’habitat de son bipède de compagnie et d’en retirer le maximum d’avantages au quotidien. Rien de tel qu’un humain de compagnie pour servir de bouillotte, de masseur, de coussin pour bien se caler quand on dort ou quand on fait un flop, d’esthéticienne (qui se charge à merveille de l’entretien du poil et de la manucure), et pour apporter sur un plateau de la verdure et du foin frais.
Le gros nounours doit faire preuve de beaucoup de flegme et de sérénité (car son humain ne s’acquitte pas toujours de toutes ces tâches au meilleur moment) et se montrer plein de mansuétude et de bienveillance à son égard. Mais sa patience est souvent récompensée par quelques caresses ou friandises…
Il est passé maître dans les attitudes et postures qui font littéralement fondre son humain…
Au programme:
- flop, flop et re-flop,
- dodo sur le flanc, ou les quatre pattes en l’air, façon décontraction totale,
- position étirée les quatre pattes en extension et la tête au sol (avec les bajoues bien écrasées, s’il vous plaît),
- dodo au milieu des coussins, des couvertures, des peluches,
- dodo contre les pieds de l’humain sous le bureau, contre sa cuisse sur le canapé, contre son coeur sur le lit, …
Dans sa version plus active, le gros nounours est devenu un professionnel de la demande de câlins:
- pattes avant posées sur les jambes de l’humain de son compagnie avec un petit air de lapin en peluche (façon Chat Potté),
- petit coup de tête affectueux pour rappeler à tout moment sa présence et bénéficier d’une petite caresse sur la tête au passage,
- saut sur le canapé avec atterrissage contrôlé sur les genoux de l’humain, …
Il a parfaitement compris:
- que l’habitude fort désagréable des humains d’écraser leur bouche sur ses poils en faisant un bruit horrible n’était pas une agression, mais une sorte de marquage affectueux,
- que la manie des humains de vouloir le soulever du sol pour l’emprisonner dans leurs pattes avant n’était pas une attaque de prédateur mais un besoin compulsif de cette espèce de serrer contre eux les membres de leur garenne,
- que ses bipèdes de compagnie ont la voix qui part dans les aigus (ce qui semble vouloir dire à peu près la même chose que les grincements de dent de plaisir) lorsqu’il s’abaisse à leur faire un rapide petit toilettage.
Le gros nounours parvient toujours à ses fins et sait comment amadouer ses humains. S’il les accompagne dans leurs activités à la maison, c’est pour bénéficier de quelques caresses à la demande, de quelques friandises peut-être, et surtout des lieux de couchage pour humains comme le lit, le fauteuil ou le canapé, bien plus confortables que ceux qui lui sont habituellement attribués.
En cas de grosse bêtise, il arrive toujours à retourner la situation en sa faveur en faisant rire son humain avec quelques pitreries, un ou deux binkies, ou en arrivant en courant d’un air enjoué et bondissant, les oreilles au vent.
Bref, ce lapin est un véritable docteur ès humains…
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Le lapin bougon et contrarié
Le lapin bougon se lève toujours de la mauvaise patte. Jamais agressif, mais contrarié pour un rien, il déteste plus que tout d’être dérangé dans ses activités… que le trouble-fête soit un autre lapin ou un humain. Il aurait pu avoir le profil du lapin insouciant, mais il ne parvient pas à rester dans sa bulle car il y a toujours quelque chose pour venir le troubler et lui donner une bonne occasion de ronchonner.
Gros dormeur, gros mangeur, casanier et routinier, c’est aussi un professionnel de la communication. Il est proche de son bipède de compagnie et apprécie ses caresses, mais il protestera le plus souvent par principe avant de se laisser caresser.
Ce lapin sait parfois, mieux qu’aucun autre, exprimer sa contrariété et son mécontentement:
- « Mon humain de compagnie me soulève du sol pour me prendre dans les bras? Je me mets immédiatement à faire des grognements respiratoires de petit cochon (mais pas trop quand même les premières fois: il ne faudrait pas qu’il me laisse tomber)« ,
- « Mon humain prend ma gamelle (même si elle est vide et si c’est pour la remplir de verdure)? Je proteste vigoureusement en m’éloignant avec moult jetés de pattes arrières et petits grognements »
- « Mon bipède empêcheur de tourner en rond a décidé de faire le ménage dans ma cabane et de laver mes tapis (alors que ça fait trois jours que je m’applique à bien mettre mon odeur partout!)? Je lui tourne ostensiblement le dos et je pars lentement bouder dans mon coin« ,
- « Cet enquiquineur d’humain veut retirer de ma bouche le morceau de tapisserie que j’ai mis tant de temps à décoller du mur? Je tape de patte et je le regarde d’un œil mauvais en me demandant où se trouve le chargeur de son téléphone portable« ,
- « Ce tortionnaire d’humain veut me mettre en transe sur ses genoux pour me nettoyer l’arrière train? Et hop! Je fais des bruits respiratoires de cochon qu’on égorge! (ce que je recommande vivement à tous les lapins, car c’est votre humain de compagnie qui aura ensuite l’air d’un cochon qu’on mène à l’abattoir à chaque fois qu’il devra vous faire des soins)« .
Mais ses compagnons lapins ne sont pas en reste… Le lapin bougon peut avoir ses têtes et se montrer d’une grande susceptibilité:
- Un lapin qu’il ne peut pas « encadrer » entre dans sa cabane ou saute à côté de lui dans le bac à litière? Il grogne et quitte les lieux en faisant des jetés de pattes arrière (tellement exagérés qu’il dégommera parfois au passage la gamelle d’eau),
- Un lapin le bouscule un peu en passant en courant? Il tape de la patte pendant au moins cinq minutes pour prévenir toute la garenne de l’immense danger auquel il vient de faire face,
- Un lapin lui renifle rapidement l’arrière train? Il secoue les oreilles à s’en décrocher la tête,
- Un lapin qui dormait à côté de lui se relève et s’éloigne pour aller grignoter? Il pousse un profond soupir de contrariété.
Ses congénères ne sont pas dupes de son cinéma et ne prêtent que peu d’attention, avec l’habitude, à sa gestuelle. Il entretient d’ailleurs d’excellentes relations avec eux, entre deux accès de contrariété.
Le lapin bougon a le charme des grands acteurs. Ses talents de comédien (qui joue avec emphase les altesses constamment outragées) le transforment très souvent en clown irrésistible… notamment lorsqu’il quitte brusquement son rôle en plein milieu d’une tirade de grognements parce son attention est soudain attirée ailleurs.
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Le timide
Le lapin timide a décidé d’ériger la maxime « pour vivre heureux, vivons cachés » en art de vivre. Il connaît sur le bout des pattes toutes les cachettes, planques et issues de secours dans la maison.
Bien décidé à se soustraire à la présence de l’humain-garde-manger-femme-de-ménage avec lequel il cohabite bien malgré lui, il a trouvé une technique infaillible pour lui faire respecter une certaine distance de sécurité:
- « L’humain rentre dans la pièce dans laquelle je vis >> Alerte générale! Je cours à l’abri dans ma cabane »,
- « L’humain s’assoit par terre à moins d’un mètre de moi >> Alerte générale! Je cours me cacher sous le lit »,
- « L’humain tend sa main vers moi >> Alerte générale! Je fonce sous le meuble le plus proche »,
- « L’humain a dans la main l’appareil à flashs qui rend aveugle >> Alerte générale! Je cours me cacher derrière la bibliothèque (même si je ne sais pas trop comment j’en sortirai ensuite) »,
- « L’humain amène une gamelle de verdure >> Alerte générale! Je saute par dessus les autres lapins qui prennent tous la direction inverse et j’attends que l’humain soit parti pour sortir de ma cachette et aller manger »,
- « L’humain de compagnie revient près de moi pendant que je mange >> Alerte générale! Je prends mon morceau de verdure dans la gueule et je l’emporte dans le recoin le plus sombre de la cabane la plus éloignée de lui. »
Le lapin timide adore la nuit, quand l’humain est présent mais qu’il dort au fond de son lit, quelques pièces plus loin… Car s’il passe ses journées à dormir, caché au fond de sa cabane, le lapin timide a une vie très active la nuit quand la maison est silencieuse.
Toutefois, si son humain se relève en pleine nuit pour vérifier que tout va bien ou pour essayer de l’observer, il en sera quitte pour une crise cardiaque en voyant un boulet de canon foncer entre ses pieds en direction de la cabane.
Certes, avec le temps, quand l’humain de compagnie aura bien compris la distance réglementaire à respecter et qu’il ne faut le toucher qu’en cas d’impérieuse nécessité, il autorisera quelques entorses au règlement et se laissera même parfois brièvement caresser la tête. Le lapin timide pourra même occasionnellement montrer son affection débordante pour son humain en s’allongeant et en se détendant légèrement à un mètre (minimum) de lui.
Quand on a ce genre de lapin à la maison, ce n’est généralement pas lui qu’on présente aux invités de passage, mais sa cabane ou son tapis…
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L’aventurier
Le lapin aventurier évolue dans la maison comme dans une vaste jungle remplie de dangers, de défis et de nouvelles découvertes à réaliser… et rien ne lui fait peur ni ne l’arrête! (et c’est bien le problème…)
Cet explorateur-né entreprendra aisément dans une même journée:
- une expédition de spéléologie derrière la bibliothèque,
- des fouilles archéologiques dans le panier à linge,
- la descente en rappel de la face nord du fauteuil,
- la mise au jour de nouveaux vestiges sous le tapis du salon,
- une descente en ski dans la baignoire vide encore humide,
- une expédition arctique dans le frigo (où se trouve, comme chacun sait, la verdure),
- l’ascension du sommet de la pile-de-bouquins-qui-traîne-par-terre-et-que-je-dois-ranger-depuis-trois-semaines (éboulement général inévitable…),
- une chasse aux moutons-qui-traînent-derrière-la-machine-à-laver,
- un sauvetage du sac de granulés qui s’est (malencontreusement) perdu loin de sa gamelle,
- le creusement d’un nouveau passage secret dans les coussins du canapé,
- la recherche du dernier manuscrit du lapin enchanteur derrière la tapisserie du couloir…
Bref, le lapin aventurier dispose d’un imagination sans limite en matière de bêtises… et comme il est le plus souvent doté d’une confiance en lui sans bornes et d’une excellente forme physique (du genre à sauter directement sur la table de la salle à manger sans élan), il frôle sans cesse la catastrophe et ne laisse aucun répit à son pauvre humain de compagnie qui ne peut qu’essayer de le suivre à la trace.
Contrairement au lapin cent mille volts, on ne le voit pas, on ne l’entend pas, tout absorbé qu’il est dans son exploration du territoire… jusqu’au moment où il fait tomber au sol avec fracas sur le carrelage les casseroles qui étaient rangées dans l’armoire de la cuisine (restée entrouverte par inadvertance).
On le croise parfois en train de traverser le salon le ventre à terre et les oreilles aux aguets, comme s’il traversait une vaste plaine désertique et hostile, puis se mettre à courir brusquement vers d’autres lieux peuplés de dangers imaginaires.
Le lapin aventurier est souvent un jeune lapin, qui cherche à tout tester, tout grignoter, tout explorer à la maison. Mais certains lapins restent de jeunes aventuriers plus longtemps que d’autres…
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Le pot d’colle
Le lapin pot d’colle est un jeune ado de 4 à 12 mois, travaillé par ses hormones, et dont on ne sait pas encore grand chose sur le caractère… sinon que ses hormones le travaillent sacrément!
Il passe par des phases durant lesquelles il ne lâche pas son humain de compagnie d’une semelle. D’ailleurs, a-t-il bien saisi qu’il s’agit d’un humain et non d’une peluche géante sur laquelle effectuer ses premières prouesses? Il lui court après lui régulièrement et s’épuise parfois à tourner autour de lui en faisant des « honk! honk! » plus qu’évocateurs.
Poussant la séduction lapinesque jusqu’à son paroxysme, il arrose parfois d’urine, en un généreux mouvement de bassin en demi-cercle, les murs, les humains de compagnie, les coussins, le chat et même… et même la nappe brodée de tante Bernadette! Mais tous les lapins pot d’colle ne s’engagent pas dans de telles extrémités pour s’entraîner à séduire.
Le lapin pot d’colle est surtout très, très, mais alors trèèèèèès câlins, au plus grand bonheur de son humain de compagnie… qui n’y comprend rien.
Mais parallèlement, il a parfois quelques difficultés sociales, en bon ado qui se respecte:
- il devient agressif quand ses parents/humains ont le malheur de rentrer dans sa « chambre » (même pour lui apporter son repas!),
- il s’acharne à redécorer sa « chambre d’ado » à coups de graffitis de pipi,
- il marque son territoire à tout va, à tel point que ses parents/humains ne sentent plus chez eux (et en plus à coups de pipis et de crottes!),
- il se montre agressif et se bat avec ses copains lapins (et revient ensuite avec d’affreuses blessures de loubard),
- il passe son temps à courir derrière le premier lapin/la première lapine (voire le premier matou) qui passe par là et à s’exciter sur eux (mâles ou femelles, indistinctement!)
Non, le lapin pot d’colle n’est pas un obsédé sexuel plus ou moins refoulé. Il est juste… un lapin ado travaillé par ses hormones.
Conclusion: pour connaître le caractère qui se cache sous ce bouillonnement d’hormones en folie, faites stériliser votre lapin.
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Le petit terroriste en herbe
Nouvel arrivant à la maison (ado ou adulte), le petit terroriste en herbe est un lapin très intelligent qui, après une phase d’intense observation de ses humains de compagnie (novices en matière de lapins), a décidé de faire fi des règles de vie commune (pas toujours très claires) qu’ils ont tenté de lui apprendre au cours des premières semaines chez eux… tout ça pour essayer de mieux se faire comprendre.
Il n’est pas stupide au point de prendre ses humains pour des lapins à dominer. Non, il veut juste les « éduquer » à sa manière de voir les choses et les « aider » à mieux comprendre ce qu’il veut.
Le souci, c’est que ses humains de compagnie lui ont tellement bien montré ce qu’ils n’aiment pas qu’il fasse qu’il s’en donne maintenant à coeur joie quand il veut attirer leur attention ou exprimer son mécontentement.
Sa journée est composée d’une multitude de possibilités de bêtises et de représailles à l’encontre de ses pauvres humains de compagnie, complètement dépassés par les évènements:
- « 07h00: la porte de l’enclos ne s’ouvre pas assez vite. Frappe chirurgicale sur la main de l’humain qui vient finalement l’ouvrir. Cible atteinte. »
- « 09h30: l’humaine de compagnie me prend dans les bras pour me ramener dans mon enclos. Opération labourage de son décolleté à coups de griffes (j’aime pas qu’on me prenne dans les bras, surtout comme ça!).«
- « 11h30: les humains rentrent du marché avec des sacs pleins de verdure. Ils ne veulent pas m’en donner tout de suite. Tentative de grignoter un ou deux sacs. Echec. Saut sur le canapé. Opération « Et là je fais pipi dessus. Eh oui! »
- « 13h00: les humains s’apprêtent à manger. Salade au menu. Dans la cuisine, l’humain ne m’a donné que trois feuilles malgré mes nombreuses tentatives pour en avoir plus. Opération restructuration grunge de l’ourlet de son jean pendant qu’il est occupé à cuisiner. »
- « 14h30: l’humaine est à son bureau, devant son ordinateur. Impossible d’attirer son attention malgré toutes mes tentatives. Opération coups de dents dans les pieds de la chaise en bois«
- « 16h30: l’humaine me réveille en plein milieu de ma sieste et essaie de me prendre dans ses bras. Opération grognements de la mort pour la terroriser (et ça marche, en plus!)« ;
- « 19h00: la gamelle de granulés ne vient pas assez vite. Lâcher de pipi sur le parquet en représailles (mais derrière le rideau de la fenêtre, là où ça avait fait un drame la dernière fois, évidemment) »
- « 22h00: les humains sont captivés par leur film et ne me regardent pas. Repli vers leur chambre. Opération minage du lit (mais les crottes, uniquement du côté de l’humain mâle, pour le fun) »
- « 23h00: l’humain va dans la chambre. Cris, suivis d’une tape sur mon arrière train. Fuite sous le canapé. Grignotage du fil du chargeur de téléphone qui traînait là (en douze morceaux au moins… Fallait bien que je fasse passer le stress). »
- « 23h15: les humains essaient de m’attraper pour me remettre dans mon enclos. Opération poursuite infernale du lapin lancée. »
- « 00h30: les humains essaient de dormir mais je n’ai pas du tout sommeil et je veux qu’ils restent avec moi. Opération « Lapinou tout mimi, la terreur de vos nuits » (enclos rongé et secoué/gamelle jetée/cabane rongée – avec une préférence pour le plus sonore des trois) ».
Y a-t-il un kit de survie pour faire face au petit terroriste en herbe? La première chose, c’est de se renseigner un peu plus sur les besoins et le mode de vie du lapin de compagnie et d’apprendre son langage corporel pour mieux le comprendre. La seconde, c’est de reprendre son éducation (agressivité, propreté) avec patience et constance.
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La chipie
Madame ou Monsieur (eh oui…) la chipie a bien compris le principe selon lequel il ne faut jamais faire de bêtises… sous le regard de son humain de compagnie.
Quand l’humain de compagnie est en vue, la chipie dort paisiblement et profondément, dans un rayon de soleil, à côté de la table de la salle à manger… Mais dès que le bipède sort de la pièce, elle s’empresse de reprendre son travail de sculpture du pied d’une des chaises en bois. Si l’humain, de retour dans la pièce, la surprend en plein travail créatif, elle se mettra négligemment à faire sa toilette puis à bâiller, comme si de rien n’était.
Quand l’humain de compagnie est en vue, la chipie est la meilleure amie du gentil petit lapin tout nouveau tout beau qui vient de lui être présenté en territoire « neutre »… Mais dès que le bipède s’éloigne une seconde pour aller chercher son téléphone qui sonne, elle met la pâtée à cet intrus exaspérant qui squatte une partie de la maison (= SON territoire!!!) depuis plus d’un mois et demi et qui la nargue depuis une semaine derrière une grille d’enclos. Quand l’humain revient, elle est paisiblement allongée de tout son long, non loin du petit nouveau qui tremble comme une feuille, blotti dans un coin de la pièce… Elle oublie juste qu’elle a encore une touffe de poils coincée entre les dents.
Quand l’humain de compagnie est en vue, la chipie mange délicatement et proprement sa gamelle de verdure, en commençant par les feuillages les plus riches en fibres qu’il a soigneusement pris la peine de disposer au-dessus. Mais dès que le bipède retourne regarder la télé, elle prend sa gamelle dans la gueule et la jette pour en renverser tout le contenu par terre afin de mieux trouver les légumes les plus riches cachés dans le fond.
Quand l’humain de compagnie est en vue, la chipie va régulièrement dans son bac à litière pour faire ses besoins, en lapin parfaitement éduqué à la propreté qu’elle est. Dès que le bipède s’absente une heure pour aller faire quelques courses, elle se dit qu’il serait quand même moins fatiguant pour elle de faire de temps en temps (et pourquoi pas maintenant?) ses crottes et pipis juste devant le bac à litière, sur le tapis en coton.
Quand l’humain de compagnie est en vue à la clinique vétérinaire, la chipie est infernale, démolissant sa cage de transport dans la salle d’attente, se débattant et essayant de sauter sans cesse de la table pendant la consultation. Dès que le bipède en titre est parti de la clinique (plein de culpabilité à l’idée de devoir la laisser une demi-journée dans ce lieu qui la terrorise), elle apparaît comme le plus adorable de tous les lapins: paisible, se laissant facilement manipuler et soigner, et même très câline avec le vétérinaire et les ASV.
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Le premier de la classe
Le lapin premier de la classe est une légende. Il est sans cesse cité en exemple par son humain de compagnie, pour le plus grand désespoir des autres (forcément mauvais) « parents lapins ».
Ce lapin parfait:
- a toujours mangé des quantités astronomiques de foin chaque jour et englouti avec gourmandise n’importe quel type de verdure qu’on lui propose,
- a d’ailleurs un poids idéal et stable depuis qu’il est adulte (et a toujours été en parfaite santé),
- ne s’est jamais montré agressif ni territorial,
- n’exprime quasiment jamais son mécontentement,
- a toujours été propre depuis son adoption (même s’il est arrivé à la maison à l’âge de 2 mois),
- n’a jamais essayé de grignoter la moindre couverture ni le moindre coussin,
- n’a jamais essayé de ronger de meubles, de fils électriques ni de plinthes,
- n’a d’ailleurs jamais été travaillé par ses hormones avant sa stérilisation,
- s’est toujours montré détendu et confiant,
- s’est toujours laissé faire quand il est pris dans les bras ou mis en transe,
- a toujours adoré les câlins et fait des « léchouilles » à la demande à son humain,
- peut rester très longtemps sur les genoux de celui-ci devant la télé sans bouger,
- a évidemment eu un coup de foudre immédiat pour son compagnon lapin dès la première présentation,
- et ne s’est jamais battu avec aucun congénère.
Une horreur de perfection!!! Mais ce lapin existe-t-il vraiment? Est-ce bien un lapin?