Le lapin de Pâques et la campagne « Make Mine Chocolate! »

dscn10131205060528Dans une semaine c’est Pâques. Je suppose que la plupart d’entre vous ont déjà acheté leurs chocolats et éventuellement leurs décorations de Pâques. En France, si l’on trouve très fréquemment, à côté des traditionnelles cloches de Pâques, tout un bestiaire en chocolat de poules, poussins, oeufs, voire même de la « friture », on trouve également depuis quelques années de plus en plus de lapins en chocolat. Je me souviens qu’il y a une vingtaine d’année, les lapins de Pâques étaient une curiosité: on ramenait de l’étranger des livres pour enfants racontant l’histoire du lapin de Pâques, des chocolats en forme de lapin, ou des oeufs avec des lapins dessinés dessus qu’on accrochait à une branche de pommier en fleur.

Rien de bien gênant dans les lapins en chocolat, ni même dans toutes ces décorations de Pâques qui représentent des lapins, me direz-vous. Il s’agit là de l’importation d’une tradition anglo-saxone et allemande, qui s’est bien intégrée dans la culture française.

28_04_07_077Le problème, dans les pays anglo-saxons, c’est que la tradition du lapin de Pâques entraîne une vague d’achats de lapins de compagnie à cette période de l’année, principalement pour les enfants. Le lapin y est devenu un produit de consommation aussi banalisé que les chocolats durant les fêtes de Pâques. Les animaleries font d’ailleurs des promotions et une publicité importante sur les lapins qu’ils mettent en vente à Pâques et il n’est pas rare de voir des magasins en tout genre proposer des lapins en cadeau lors d’un tirage au sort ou d’un concours.

Une fois passées les fêtes de Pâques, les enfants tout comme les adultes se désintéressent rapidement du mignon bébé lapin qui leur a été offert: il grandit très rapidement, finit par remplir toute la cage où il reste enfermé à longueur de temps, il est loin de se comporter comme une peluche et il coûte plus cher que prévu. Comme ce lapin n’est pas beaucoup plus estimé qu’un sac de bonbons en chocolat, il rejoint le sort des milliers de lapins qui, achetés à Pâques, sont abandonnés chaque année au bout d’une semaine, d’un mois… et le plus souvent à la veille des vacances scolaires d’été.

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Le lapin de compagnie est alors considéré comme un lapin en chocolat dont la date de péremption est dépassée et que l’on doit mettre à la poubelle. Dans le meilleur des cas, il est abandonné dans un refuge ou auprès d’une association (les refuges sont submergés par ces abandons), dans la plupart des cas, il est abandonné n’importe où et meurt au bout de quelques heures, mangé par un prédateur ou écrasé par une voiture…

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Face à ce phénomène massif dans les pays anglo-saxons, la House Rabbit Society a lancé, en partenariat avec la Human society, la campagne Make Mine Chocolate! en 2002. Cette campagne a simplement pour objectif de rappeler chaque année, au moment de Pâques, que les lapins ne sont pas des denrées jetables, mais qu’ils représentent, comme n’importe quel animal de compagnie, une grande responsabilité. Son slogan vise à inciter symboliquement les consommateurs à opter pour un lapin en chocolat plutôt que pour un lapin de compagnie qui sera ensuite, dans la plupart des cas, abandonné. Le symbole de cette campagne, c’est la broche en céramique (comme celle prise en photo ci-dessus) qui représente un lapin en chocolat avec un ruban bleu. La campagne Make Mine Chocolate!, c’est aussi un site internet (site américain et site anglais en partenariat avec le RWAF), des brochures et un immense travail de vulgarisation sur le lapin de compagnie et ses besoins essentiels. Je vous invite d’ailleurs à tester vos connaissances sur l’habitat du lapin et sur sa nutrition sur le site de la campagne.

Mais revenons en France. La banalisation du lapin, visible sur tous les produits de consommation à Pâques, qui est à rapprocher de l’engouement croissant pour les lapins de compagnie, amène à s’interroger sur la diffusion de la tradition du lapin-cadeau de Pâques dans notre pays. Toutes les conditions sont réunies pour que les enfants demandent à leurs parents un lapin à Pâques. Nul doute que les animaleries, si elles y voient un marché potentiel, s’engouffreront dans la brèche et accroîtront ce phénomène. Pour le moment, il semblerait que l’on soit passé du lapin en chocolat au lapin en peluche pour les enfants. Espérons qu’à l’avenir cette nouvelle culture n’entraînera pas une multiplication des ventes de lapins de compagnie au moment des fêtes de Pâques en France.

dscn1208Les abandons de lapins ne sont pas moins nombreux en France que dans les pays anglo-saxons: nombre de propriétaires de lapins abandonnent leur animal dans un parc, une forêt, un champ (en croyant que leur animal pourra ainsi vivre une « vraie vie de lapin », alors qu’ils l’exposent ainsi à une mort certaine), dans une poubelle, devant la porte d’un vétérinaire, sur un trottoir, sur le bord du périphérique, dans le jardin de leur voisin, sur le parking d’un animalerie, etc. Ils l’abandonnent parfois même dans un sac ou dans sa cage, laissant leur animal mourir à petit feu de faim ou de suffocation. Il y a par ailleurs très peu d’associations et de refuges pour accueillir les lapins abandonnés en France et leurs capacités d’accueil sont très limitées face aux 880 000 lapins de compagnie qui sont actuellent dans les foyers français. Il n’est donc pas souhaitable de créer un nouvel évènement qui entraînerait l’achat puis de l’abandon de nombreux lapins et viendrait s’ajouter aux vagues d’abandons du mois de janvier et des vacances d’été. De nombreux lapins attendent déjà une nouvelle famille dans des refuges ou des familles d’accueil partout en France.

dscn36961Rappelons qu’un animal de compagnie n’est pas un cadeau, mais un choix de vie, une responsabilité sur le long terme. Un lapin de compagnie a une espérance de vie d’environ 10 ans et il peut maintenant vivre, s’il est bien soigné, jusqu’à 17 ans. Un lapin nain n’est pas un animal adapté pour un jeune enfant, en raison des difficultés à le manipuler, de sa constitution fragile, de l’agressivité dont il peut parfois faire preuve pour défendre son territoire, surtout s’il n’est pas stérilisé, et de son caractère assez craintif face aux bruits et aux mouvements brusques. Un lapin ne coûte presque rien à l’achat, mais il coûte très cher à l’entretien, au quotidien, demande beaucoup de temps, de travail et de persévérance pour prendre soin de lui et l’éduquer, nécessite beaucoup d’espace (bien plus d’espace que la cage avec laquelle on le vend) et présente des besoins spécifiques, notemment pour son habitat et son alimentation. Un lapin demande une présence de chaque jour et ne peut pas être laissé à lui même pendant un long week-end ou pendant des vacances. Si vous ne souhaitez pas assumer cette responsabilité, n’achetez pas de lapin, que ce soit à Pâques, à Noël, à l’anniversaire de votre enfant, ou à n’importe quel autre moment.